For those that wants to practice their french.

Opération Nez Rouge
Il y a parfois dans la vie des événements tellement importants qu'il faut les écrire pour que jamais le temps n'efface leurs souvenirs. Je viens de vivre un tel événement et bien que ma plume ne soit ni la plus belle et ni la plus douée, je vais écrire dans ce journal la tragédie que je viens de vivre.

Par où commencer ? Par le commencement, je crois, mais où est le commencement ; Ã* ma naissance, Ã* mon arrivée Ã* Chicoutimi, Ã* la naissance de Jean-François ou hier soir ? Arghh !! Je déteste écrire cela, mais j'ai promis que je le ferai. Alors, je vais débuter avec une brève mise en situation.

Mes parents, Johanne Cantin et Pascal Tessier se sont connus Ã* l'UQAM* et ils se sont aimés comme des fous, puis ils m'ont eu, moi, Bernadette Tessier. Peu de temps après ma naissance, mon père a reçu une offre d'emploi qu'il ne pouvait refuser. C'est pour cela qu'on a tous déménagés Ã* New York. Ce fut le désastre. Ma mère n'aimait déjÃ* pas beaucoup Montréal, elle a détesté New York. Elle avait étudié Ã* Montréal parce qu'elle avait suivi son « chum »* de l'époque, mais ma mère n'a jamais été une femme de grandes villes. C'est une femme de grands espaces et New York n'était vraiment pas fait pour elle. De plus, sa carrière n'allait nulle part et mon père, travaillant fort, n'était jamais Ã* la maison. Ce qui devait arriver, arriva ; mes parents se sont séparés. J'avais quatre ans et j'ai suivi ma mère dans son patelin natal de chicoutimi.

Chicoutimi, province Québec, pays Canada. C'est une ville en région située sur le bord de la rivière Saguenay et de la rivière Chicoutimi. C'est une ville fière et dynamique d'environs 65 000 habitants. C'est lÃ* que j'ai grandi avec ma mère. Après la séparation, mon père est revenu assez rapidement Ã* Montréal et j'allais le voir les étés, mais c'est Ã* Chicoutimi que j'ai fait les 400 cents coups avec mes amis Antoine Dubuc-Tremblay et Sophie Gauthier. C'est aussi avec eux que j'ai accepté ma condition de mutante. Pendant ce temps, ma mère s'est mariée Ã* Éric Ferguson et c'est ainsi qu'est apparu dans ma vie mon demi-frère Jean-François. Ma mère a poursuivi sa carrière et aujourd'hui, elle est en charge de l'administration de Fortec, l'une des plus importantes compagnies forestières de la région.

Pour ma part, après le secondaire, j'ai complété une année au Cégep de Chicoutimi pour obtenir les crédits nécessaires Ã* mon admission au collège militaire de Kingston. Par mes bonnes notes et mon comportement exemplaire, j'ai obtenu un poste d'Epsilon au Département H Ã* Toronto. J'ai finalement révélé Ã* mes patrons que j'étais une mutante et c'est ainsi que je suis devenue Solstice d'Alpha Flight.

Il y a quelques jours, je suis revenue Ã* Chicoutimi pour les vacances des fêtes. Hier soir, Sophie, Antoine et moi allions continuer la tradition des dernières années en participant bénévolement Ã* Opération Nez-Rouge. Il existait une organisation Ã* Chicoutimi qui faisait la même chose que Nez-Rouge, mais il ne reste plus aujourd'hui que dernier organisme.

Sophie, avec son tout nouveau « char »*, prit Antoine en passant, puis ils sont venus me chercher chez mes parents. Ma mère, en bonne maîtresse de maison et surtout pour ne pas les faire geler dehors, fit entrer mes amis dans la maison. On avait une belle vieille maison de type canadienne située près de l'université. Ma mère les accueillit, leur dit qu'ils avaient changé et qu'elle voulait en savoir plus sur leur vie. Mon beau-père les salua avec son traditionnel « how wiz wiz you ? »*, et tout le monde éclata de rire. Je ne sais pas pourquoi, mais cette farce me fait toujours rire. Elle est tellement stupide, mais c'est surtout la mimique d'Éric avec ce faux accent qui est drôle. Éric n'est pas très bon en anglais, mais pas Ã* ce point-lÃ* !

Et finalement, Jeff vint faire ses salutations. Jeff, c'est le diminutif de Jean-François. Par chance, il s'abstint de raconter l'une de ses constantes farces insipides. Comme son père pouvait être drôle, comme lui était ennuyeux et gênant. Depuis mon arrivée, il était plutôt morose et même au party de Noël chez Grand-Maman, il n'a pas fait son habituel spectacle. Peut-être a-t-il réalisé qu'il n'était vraiment pas fait pour l'humour. Ou peut-être pas. D'après ce que j'ai pu comprendre, depuis un an, ce qui correspond Ã* l'apparition de ses pouvoirs mutants, Jeff avait beaucoup changé, autant physiquement que mentalement. Il avait maintenant 15 ans et il était un peu plus grand que moi. Il ressemblait un peu Ã* son père avec ses cheveux bruns courts et ses yeux noisettes.



Ma relation avec Jean-François a toujours été difficile. Plus jeune, il me suivait partout comme un petit chien et je devais tout le temps le garder. Quand tu es une adolescente, ce n'est pas ce que tu veux. Tu veux être le plus indépendant possible de ta famille et tu veux t'amuser avec tes amis. Bon, j'ai vieilli et j'apprécie beaucoup plus ma famille, n'empêche que Jeff me tombe toujours sur les nerfs. J'ai par contre probablement compliqué sa vie sans le vouloir et je pense qu'il m'en veut un peu. Par souci de transparence, la Directrice H a dévoilé, avec notre approbation, l'identité civile des membres d'Alpha Flight. Je n'avais pas pensé Ã* Jean-François dans tout cela. Il se fait maintenant écÅ“urer parce que je suis mutante et parce que j'ai un plus gros pouvoir que lui. Jeff a le pouvoir de voir parfaitement dans le noir, mais quand il les utilise ses yeux brillent d'un rouge fluorescent. Ce n'est pas un pouvoir très utile surtout qu'il existe déjÃ* un machin qui permet Ã* tout le monde de voir dans le noir. D'une certaine façon, il devrait être heureux de ne pas avoir un pouvoir comme le mien ; il ne risque pas de tuer des gens comme moi

Tout Ã* coup, on entendit retentir le klaxon d'une voiture. C'était les amis de Jeff venus le chercher. Ce dernier mit en vitesse ses bottes et son manteau d'hiver puis il nous salua rapidement avant de sortir de la maison pour rejoindre ses amis dans l'auto. Ma mère et Éric n'aimaient pas beaucoup la façon dont les amis de Jeff venaient le chercher, mais ils ne pouvaient pas faire grands choses Ã* ce sujet.

Sophie qui attendait toujours dans le vestibule avec Antoine, me rappela qu'il serait temps de partir si nous voulions ne pas arriver en ******. Ma mère rajouta, d'un ton moqueur, que Sophie avait raison et que j'étais mieux de partir car le festival Geneviève Bujold débuterait bientôt Ã* la télévision. Cette actrice québécoise avait rendu l'âme dernièrement et TVA en profitait pour présenter en rafale ses meilleurs films dont Le roi de cÅ“ur, Anne des mille jours, Faux-semblants, Les noces de papier, Tremblement de terre et plusieurs autres films dont j'oublie le nom.

Après avoir mit mes bottes, mon manteau, ma tuque et mes mitaines, j'étais enfin prête pour suivre mes amis dehors. Pour un soir d'hiver, il ne faisait pas trop froid. Il tombait tranquillement un peu de neige et Ã* la lueur des lampadaires et des décorations de Noël, ce paysage avait quelque chose de féerique. Malheureusement, l'hiver c'est surtout le froid, le pelletage de l'entrée et le déblayage de l'auto. Sophie enlevait justement la neige qui était sur son auto.

Je l'ai félicité sur son nouvel achat. Sophie venait de terminer ses études Ã* l'UQAC* et elle s'était immédiatement trouvé un emploi comme travailleuse sociale. La première chose qu'elle fit après avoir signé son contrat, c'est de s'acheter une toute nouvelle voiture « full equip » comme on dit par ici. Il y avait même un GPS avec cartes routières incluses dans son automobile.

Une fois arrivés au local de Nez-Rouge, il fallut attendre pour recevoir l'équipement, les explications et les coordonnées du premier client. Cela nous dérangea peu car nous avions beaucoup de choses Ã* se dire et l'attente parue moins longue ainsi. Antoine avait longtemps hésité avant d'entrer Ã* l'École Nationale de Théâtre Ã* Montréal, mais après quelques années Ã* essayer les différents programmes de notre beau système scolaire, Antoine dû se rendre Ã* l'évidence que seulement le métier de comédien pourrait le rendre heureux. Il avait beaucoup changé depuis qu'il restait Ã* Montréal. Il affichait maintenant une confiance et une joie de vivre qui lui manquaient affreusement Ã* l'adolescence. Il avait même une « blonde »* et je vais faire sa connaissance demain puisqu'elle rejoint Antoine Ã* Chicoutimi pour le jour de l'An.

C'est le père d'Antoine qui m'a aidé le plus Ã* contrôler et Ã* comprendre mes pouvoirs. Il est professeur de physique au Cégep de Chicoutimi. Heureusement, mes pouvoirs sont apparus progressivement. J'ai vite réalisé que j'étais une mutante dont les pouvoirs étaient reliés Ã* la lumière et Ã* l'énergie thermique. Je me suis aussi très vite aperçu que plus j'en savais sur mes pouvoirs, plus j'avais de contrôle sur eux. Monsieur Tremblay, le père d'Antoine, m'a permis d'apprendre comment mon pouvoir agissait et d'en connaître ses limites. Malheureusement, je n'ai jamais beaucoup aimé la physique. J'aime savoir grosso modo les théories et les théorèmes physiques qui expliquent concrètement comment mon pouvoir fonctionne, mais je ne comprends pas complètement ces explications scientifiques et je suis pas encore certaine que je vais comprendre un jour.

Je pense que la physique a trop d'hypothèses et de théories. Moi, ce que j'aime, c'est le concret. C'est pourquoi j'ai juré, quand j'ai su que j'étais une mutante, que j'utiliserais ce pouvoir pour le bien et pour défendre les gens contre le mal. Ceci me semblait plus intéressant que de jouer avec les flux magnétiques ou électriques. J'avais aussi seulement 12 ans quand j'ai fait cette promesse et maintenant, je sais qu'il n'est pas aussi facile de différencier le bien du mal, mais je reste fidèle Ã* l'essentiel de ma promesse ; protéger les gens.

Alpha Flight aurait été le meilleur médium pour concrétiser ma promesse, mais Ã* l'époque, ce groupe n'existait plus. En fait, il y avait plus aucune équipe super humaine pour protéger le Canada. Il nous en fallait une Ã* tout prix, mais avec l'historique peu reluisant de l'armée et par ricochet d'Alpha Flight pour exploiter les mutants, j'étais méfiante. Je suis une arme potentiellement dangereuse et je me dois de rester en contrôle de mon corps et de mon esprit. C'est pour ces raisons que j'avais décidé de parfaire mon éducation physique et mentale en étudiant au Collège Militaire Royale du Canada Ã* Kingston. Les études militaires et stratégiques me semblaient le meilleur programme pour mes ambitions. Il était aussi important que je devienne officier et ce, même si je n'aime pas diriger les autres. Ainsi, j'aurais pu obtenir un poste important pour former moi-même la prochaine équipe super humaine ou au moins influencer son développement.

Je n'avais pas prévu qu'Alpha Flight se reformerait aussi tôt. Le souci de transparence et l'attitude de la nouvelle directrice H avait adouci un peu mes craintes. En plus, durant mes études j'ai vu d'un peu plus près la nouvelle administration du Département H. Souvent la vie arrange bien les choses. Une de mes amis au Collège avait un très beau frère travaillant comme garde Epsilon. J'en suis tombée amoureuse et lui, de moi. J'allais souvent le voir Ã* Toronto et j'en ai profité pour me faire connaître des nouveaux dirigeants du département H. Je leur ai montré mon intérêt pour une future carrière comme garde Epsilon (c'est Alpha Flight que je voulais mais ça, je n'étais pas prête Ã* leur dire). Ma relation amoureuse avec William prit fin après un an et demi de fréquentation. « C'était pas le bon » comme dirait ma grand-mère.

Quelques temps après mon arrivée dans les gardes Epsilon, j'ai dévoilé mes pouvoirs mutants au monde entier et je suis enfin devenue membre d'Alpha Flight. Je laisse Ã* Ramsey et Ã* Sabra le leadership de l'équipe. J'ai assez confiance en eux. J'aime mes coéquipiers autant d'Alpha que de Bêta de tout mon cÅ“ur, mais j'ai peur pour eux, peur pour moi, peur que quelqu'un nous trahisse et qu'on devienne des pantins dans les mains de personnes assoiffées de pouvoir. J'en fais souvent des cauchemars.

Bon, c'est assez les rêveries ! Nous étions donc Antoine, Sophie et moi au local de Nez-Rouge. Nous avions enfin reçu notre équipement, soit trois gilets identifiés Nez-Rouge, trois radio miniature avec casque d'écoute et un portable avec un GPS intégré. On était prêt Ã* partir pour notre première mission. Comme Antoine aimait le dire, « Nous sommes les agents de Nez-Rouge Ã* la recherche de soûlons Ã* raccompagner avec leur propre voiture ! »

Notre premier client voulait rentrer chez lui après un copieux souper au restaurant Chez Georges. Il avait appelé Nez-Rouge et il avait laissé son nom, sa localisation et une description de sa voiture. Notre portable avait pris ses coordonnées et nous nous sommes dirigés au 433, rue Racine Est. Antoine et moi avons rejoint le monsieur qui nous attendait Ã* l'intérieur du restaurant. Ce dernier donna les clés de sa voiture Ã* Antoine. Mon ami s'assit sur le siège du conducteur dans l'auto du client. Ce dernier prit place Ã* l'avant et je m'assis Ã* l'arrière tout en rentrant dans le portable l'adresse de retour. Grâce au GPS, le portable me traça l'itinéraire le plus court. J'informais Antoine et Sophie du chemin Ã* prendre. Nous étions tous les trois en communication constante grâce aux radios miniatures et aux casques d'écoute. Nous prîmes la route et Sophie nous suivit dans son automobile.

On aurait jamais dit que le client, un homme bien portant d'environ 40 ans, avait pris un verre de trop. Il avait pris beaucoup de vin dans sa soirée et il avait demandé les services de Nez-Rouge seulement comme mesure de prévention. Quelques minutes plus tard, nous arrivâmes Ã* sa demeure. Antoine gara sa voiture dans son stationnement et remit au client les clés de sa voiture. Après avoir salué notre client, Antoine et moi rejoignîmes Sophie dans son auto. On contacta la centrale avec le portable pour connaître les coordonnées de notre prochain client.

On passa une bonne partie de la soirée et de la nuit Ã* raccompagner les gens chez eux. Vers les 2 heures du matin, nous reconduisions un couple de joyeux lurons qui nous chantaient toutes les chansons de Noël ou d'hiver qu'ils connaissaient, de « Mon pays » de Gilles Vigneault* Ã* « Minuit Chrétien », quand la centrale nous avertit, par l'entremise de nos radios, qu'un accident avait été rapporté sur la route 170 qui relie Chicoutimi Ã* Jonquière. Un phénomène bizarre avait suivi cette catastrophe mais ils ne pouvaient pas m'en dire plus. Nous étions justement sur cette route en direction de Chicoutimi.

Même dans la nuit nous pouvions voir qu'il y avait quelque chose d'étrange droit devant nous. Je décidai d'aller voir de plus près cet étrange phénomène. J'avertis Sophie et Antoine de mes intentions et je leur demandai de rester ici Ã* m'attendre. Je restai mes vêtements d'hiver et la radio dans l'auto puisque ceux-ci pourraient être brûlés par mon pouvoir. Je sortis de la vieille « minoune »* appartenant Ã* nos clients et je pris mon envol. Des airs, je pus mieux examiner l'anomalie. Elle avait la forme d'un dôme noir dont la base devait mesurer environ 50 mètres de diamètre. La police n'était pas encore sur les lieux mais cela ne devrait pas tarder. Étrangement, il n'y avait pas de curieux aux alentours du dôme et je voyais aucun signe d'accident sur la route.

S'il y avait vraiment eu un accident, je me devais de rentrer dans ce dôme pour sauver les survivants. Je ne savais rien sur cette forme obscure et seulement un idiot s'en approcherait sans craindre une réaction hostile. La prudence me dictait de faire certains tests pour en connaître un peu plus sur la nature de ce dôme. J'ai donc lancé des pierres en direction de la masse obscure. Celles-ci disparaissaient derrière le mur noir obsidienne. J'ai également tâté le terrain avec une branche d'arbre. Je n'ai pas senti de résistance quand je l'enfonçai dans les ténèbres. J'ai finalement décidé de rentrer ma main dans le gouffre. Excepté pour mes yeux, mes autres sens ne percevaient aucune différence entre l'intérieur du dôme et l'extérieur. J'ai fait la seule chose qui me restait Ã* faire, j'ai pénétré dans la masse obscure.

J'étais dans le noir absolu. Je ne voyais que du noir et ma forme lumineuse ne m'aidait guère. Au lieu d'être dans l'obscurité la plus totale, je voyais Ã* peine un mètre en avant de moi. J'avançais en marchant puisque le contact avec le sol me donnait au moins une orientation et j'aurais perdu ce point de repère en volant. Maintenant, je voulais me diriger vers le centre du dôme mais dans cette noirceur, la tâche n'était pas évidente. J'avançai lentement et je lançais quelques jets de lumière en espérant voir un peu plus dans cette pénombre. Je n'aimais vraiment pas cette situation. J'étais seule et je me sentais une proie facile pour quiconque qui pouvait voir dans cette noirceur.

Non, vraiment je détestais ce dôme. En plus de la noirceur, je commençais Ã* sentir le froid, mais cela était impossible car je ne ressens pas le froid. Mon pouvoir m'a toujours protégé des variations climatiques. Mon adrénaline monta d'un cran pendant que j'essayais de trouver une explication logique. Pour une fois que ma tuque et mes mitaines auraient servi Ã* autre chose qu'Ã* taire les commères.

Toujours en avançant, j'aperçus Ã* ma gauche deux points rouge lumineux et mon cÅ“ur qui battait déjÃ* assez vite, atteint son paroxysme Ã* ce moment-lÃ*. « Faites que je me trompe. Ça peut pas être ce que je pense. » n'arrêtais-je pas de me dire. Je me suis dirigé le plus vite possible vers la lumière rouge en évitant le ravin et quelques débris de voiture. J'étais maintenant sur la neige et ma main se tenait sur ce qui semblait être un véhicule. J'étais tout près de mon but. Puis, pour un moment, on aurait dit que mon cÅ“ur avait arrêté de battre. Malgré tout l'entraînement que j'avais reçu, je n'étais pas prête pour cela. C'était ce que j'avais craint. Mon frère Jean-François était devant moi, blessé et en état de choc. Par automatisme et parce qu'il le fallait bien, j'ai vérifié son état de santé. Il avait du sang partout mais les blessures que je pouvais examiner dans cette noirceur et ce froid semblaient superficielles. C'était surtout le froid qui me dérangeait. Cela faisait tellement longtemps que je n'avais pas senti les variations climatiques que je ne savais plus si Jeff était plus froid qu'il ne devait être ou si c'était mes mains qui étaient trop froides. Une chose m'inquiétait plus encore : mon frère était coincé dans la voiture et il n'arrêtait de répéter : « Mes jambes, mes jambes... »

J'ai voulu le sortir de cette torpeur en lui donnant quelques gifles au visage, mais je m'arrêtai après la première. Il était dur comme de la viande congelée. Et c'est Ã* ce moment que tout devint clair. J'aurais dû le deviner avant ! Le froid et la noirceur sont des pouvoirs contraire aux miens et ceux-ci complète très bien la vision nocturne qu'il possède déjÃ*. C'est Jean-François qui était la cause du dôme et l'accident dû provoqué l'émergence de ces nouveaux pouvoirs.

Ma petite gifle avait quand même produit l'effet désiré en sortant Jean-François de sa torpeur. Il me reconnut aussitôt et il me prit dans ses bras en me parlant. Je n'écoutais pas beaucoup ses paroles parce que mon attention était ailleurs. Il me serrait fort dans ses bras et plutôt que de sentir la chaleur humaine de cette étreinte, je ressentais encore plus fort ce froid glacial. Le froid augmentait avec la longueur de l'étreinte et Jeff ne voulait pas me laisser. J'ai commencé Ã* me débattre mais il était fort et il ne voulait toujours pas me lâcher. Je ressentais encore plus fort le froid qui me gelait le sang et je pensais que j'allais mourir d'hypothermie. J'ai paniqué et j'ai revêtu ma forme thermique pendant une microseconde pour combattre cette possible mort. Jean-François me relâcha aussitôt en poussant un grand cri de douleur.

Jeff ne semblait pas ressentir les froids sibériens et ses yeux fluorescents ne devaient pas faire la différence entre la nuit et le noir total qui régnait ici. En ce moment, il comprenait uniquement que je l'avais brûlé en lui refusant mon réconfort. Il me dit alors que j'étais toujours lÃ* pour les autres mais jamais pour lui et que je ne l'avais probablement jamais aimé. Je ne savais pas qu'il pensait cela. Je lui ai dit qu'on devait se parler et que cela aurait dû être fait il y a bien longtemps, mais qu'on devrait attendre encore un peu puisqu'il y avait urgence. Il a rouspété un peu mais j'ai quand même réussi Ã* lui faire réaliser qu'actuellement, il existait un froid extrême accompagné d'une noirceur anormale et qu'il en était la source. Il faut dire que je n'étais plus capable de supporter le froid et que je me réchauffais du mieux que je pouvais en alternant de ma forme thermique Ã* ma forme normale. Malheureusement, je ne peux utiliser ma forme thermique que pour quelques secondes et Jean-François sait Ã* quel point cette forme me draine de mon énergie. Il a vite compris, Ã* ma grande surprise, que je ne ferais pas un tel exercice simplement pour le niaiser et c'est ainsi qu'il me crût.

Maintenant, Jean-François devait se concentrer. Il devait chercher Ã* l'intérieur de lui comment son pouvoir agissait, pour ensuite sentir son effet sur son environnement et pour finalement le contrôler. Dans des conditions idéales, ce type d'exercice pouvait prendre plusieurs minutes, voir plusieurs heures. Nous ne pouvions prendre tout ce temps si nous voulions sauver la vie des possibles survivants de l'accident. Également, je ne savais pas si je pouvais rester longtemps auprès de Jean-François Ã* faire le yo-yo entre le froid et le chaud. L'accident avait laissé Jeff coincé dans la voiture avec quelques ecchymoses et coupures. Il avait aussi très mal Ã* la tête, sans parler des brûlures que je lui avais infligées sans le vouloir. Mon frangin devait avoir également consommé une importante quantité d'alcool puisque son haleine en dégageait les odeurs caractéristiques. Il n'était vraiment pas dans les conditions idéales pour se concentrer.

Je lui expliquai ce qu'il devait faire pour contrôler son pouvoir, en me basant sur mes expériences personnelles et les enseignements de monsieur Tremblay, mon bon professeur de physique et père d'Antoine. À mon grand étonnement, Jean-François me dit presque aussitôt qu'il se sentait bizarre, comme si on le vidait de son énergie vitale. Il avait franchi la première étape en un temps records. Mon frère progressait très vite. Nous devions d'abord nous débarrasser du froid inhabituel. Ce dernier me faisait extrêmement mal. J'aurais dû quitter ce dôme frigorifique il y a bien longtemps, mais je ne pouvais pas, pas tant qu'il y avait encore un mince espoir pour des survivants.

À l'intérieur d'un court laps de temps, Jeff avait rétabli la température Ã* son état normal. Je crois n'avoir jamais été aussi fier de lui de toute ma vie. J'étais exténué. Tout mon corps tremblotait d'épuisement quand je m'effondrai au sol, me retrouvant Ã* genoux devant mon frère. Lui-même souffrait atrocement et avant de s'attaquer Ã* l'obscurité qu'il produisait, il me dit : « Promet moi qu'on va se parler Ã* cÅ“ur ouvert comme on l'a jamais fait quand tout cela sera fini. Promet moi que tu vas écrire ce qui c'est passé ici en mettant l'accent sur ta promesse et que tu montreras la lettre Ã* papa et maman. Comme cela, on ne pourra pas oublier. » J'ai promis. Jean-François repris sa concentration et très rapidement les étoiles et la lune firent leur apparition dans le ciel.

Même s'il faisait encore nuit, je pouvais maintenant voir l'automobile accidenté et un de ses occupants. Ce n'était pas beau Ã* voir. La voiture avait frappé un poteau de téléphone de plein fouet et il n'y avait pas de doute, le copain de Jeff n'était plus de ce monde. Je voulais vérifier l'état des autres accidentés Ã* l'avant de la voiture mais Jean-François ne voulait pas me lâcher ma main. Maintenant que le dôme n'existait plus, la police venait vers nous et je me suis dit que cette dernière pourra s'occuper des amis de mon frère.

Jeff m'expliqua que ses amis et lui avaient voulu se rendre Ã* un autre party Ã* Jonquière. Mon frère n'était pas en état de conduire puisqu'il avait trop bu, mais il se fiait Ã* ses amis pour le transport. Il embarqua dans la voiture de son ami pensant que le conducteur était sobre. Il s'aperçut trop tard que le chauffeur était aussi saoul que lui et peut-être même plus. L'irresponsable au volant s'amusait Ã* faire des zigzags sur la route quand la voiture glissa sur de la glace. Il perdit le contrôle de l'automobile et celle-ci quitta la route pour aller percuter un poteau de téléphone. Jean-François m'a juré qu'il n'aurait jamais embarqué dans une voiture conduite par une personne ivre. Il ne pensait pas que des gens pouvaient être encore aussi cons pour faire cela. Je ne savais pas quoi répondre. En silence, Je l'ai pris doucement dans mes bras en le laissant sangloter.

Soudain, j'entendis mon nom. Je me retournai et j'aperçus mes deux meilleurs amis qui venaient vers moi. J'ai commencé Ã* me lever pour aller Ã* leur rencontre quand je me sentis étourdit et c'est Ã* cet instant que tout est devenu sombre.

J'ai repris connaissance quelques minutes plus tard dans l'ambulance qui me conduisait Ã* l'hôpital de Chicoutimi. J'ai eu droit Ã* un examen complet Ã* l'hôpital. Le docteur m'a finalement dit ce que je savais déjÃ* ; soit que j'avais besoin de repos et de bien me nourrir. Je m'étais évanouie seulement parce que j'avais utilisé trop intensément et longtemps mon pouvoir. Pendant mes examens, maman et Éric avaient été avertis de l'accident et ils m'avaient rejoint Ã* l'hôpital. Ils étaient bien sûrs très inquiets, mais quand ils ont su mon diagnostique, leur stress diminua quelque peu. Il ne restait qu'Ã* connaître l'état de Jean-François. Celui-ci était sur la table d'opération depuis son admission Ã* l'hôpital et il n'en était pas encore sorti.

L'attente était insoutenable. Chacun tuait le temps du mieux qu'il le pouvait. Ma mère cherchait Ã* connaître le sort des autres passagers impliqués dans l'accident. C'est ainsi qu'on sut qu'il y avait 4 personnes dans la voiture et que seulement Jean-François en était sorti vivant. La police pensait que les amis de Jeff étaient morts sur le coup, mais il faudrait attendre le rapport du médecin légiste pour que cette hypothèse se confirme. Éric était au téléphone avec le père d'Antoine et ils planifiaient un programme, un peu comme ils avaient fait avec moi, pour que Jeff puisse maîtriser ses pouvoirs. Sophie et Antoine attendaient avec nous en ne sachant pas trop quoi faire pour nous aider. Moi, j'ai appelé mon père pour lui raconter les récents événements, mais surtout, pour lui dire que je ne pourrai venir Ã* Montréal comme prévu. J'essaierai d'être au party des Tessier mais en ce moment, Jean-François avait besoin de moi. J'étais également préoccupée par les pouvoirs de Jeff ou devrais-je dire de ma vulnérabilité Ã* ses pouvoirs. Sa noirceur avait enveloppé ma lumière et j'avais ressenti intensément le froid qu'il émettait. Avait-il atteint des températures si extrêmes que ma protection naturelle n'agissait plus ou étais-je simplement plus sensible Ã* ses pouvoirs, puisqu'il était mon frère ?

J'avais commencé Ã* écrire les péripéties de cette nuit, comme je l'avais promis Ã* Jeff, quand le docteur vient nous informer de l'état de santé de mon frère. Jeff avait plusieurs contusions et coupures mineures. Il avait aussi des brûlures du premier et second degré. J'étais la cause de ces brûlures, mais le flash de chaleur qui l'avait brûlé n'aurait pas dû faire autant de dégâts. Le flash thermique n'avait pas l'intensité nécessaire pour créer des brûlures du second degré. Est-ce que Jeff était aussi vulnérable Ã* mes pouvoirs que moi aux siens ?

Et puis le médecin nous appris le pire. Pour un instant, j'avais l'impression que la terre avait cessé de tourner. Jean-François avait une fracture de la colonne vertébrale au niveau de la taille et la moelle était affectée. Il ne marchera plus jamais de sa vie. Je m'en doutais, mais c'est le genre de chose qu'on réalise seulement si on est forcé de l'admettre. Je ne connais pas les mots pour exprimer ce que je ressens et quand les mots te manque, tu te dois d'arrêter d'écrire, tu te dois de rejoindre ta famille et leur donner tout l'amour que tu as car ils en auront besoin.

Je t'aime petit frère.


Petit Lexique *


Blonde = petite amie
Cégep = Collège d'Enseignement Général et Professionnel. Entre l'école secondaire et l'université.
Char = automobile
Chum = petit ami
How wiz wiz you ? = How are you ? Farce de l'émission 100 limites dans les années 90 quand Richard Z Sirois prétendait parler en anglais Ã* l'ex hockeyeur du Canadiens Larry Robinson.
Minoune = vieille voiture ou une chatte
UQAM = Université du Québec Ã* Chicoutimi
UQAC= Université du Québec Ã* Montréal
Vigneault (Gilles), Natashquan, Québec, 1928, chanteur canadien d'expression française. Il écrit, compose et interprète des chansons qui évoquent les diverses facettes de son pays et de sa culture (Mon pays, Tam ti delam). Tiré du dictionnaire Le petit Larousse illustré.